12 mars 2018
Posté dans Droit du travail
Cette affaire ne vous a certainement pas échappée. Elle a récemment fait la une des magazines people et l’objet de nombreux articles dans la presse généraliste. L’actrice italienne, Ornella MUTTI a été condamnée par un tribunal italien après avoir menti sur les raisons de son indisponibilité à assurer une représentation au théâtre Pordenne, au nord de Venise en Italie en décembre 2010, pour laquelle elle a été rémunérée 25.000 euros. L’actrice transalpine avait prétexté ne plus pouvoir parler en raison d’une « laryngo-trachéite ». Il n’en était rien. Elle assistait à un gala de charité à Saint-Pétersbourg et dinait aux côtes de Vladimir POUTINE, président de la Fédération de Russie.
Pour sanctionner un tel mensonge, le juge italienne ne s’est pas contenté d’une mince punition. L’actrice vue notamment dans la Comte de Monte-Cristo et les Bronzés 3 a été condamnée à huit mois de prison et 600 euros d’amende.
Si les faits reprochés à Ornella MUTTI qui sont constitutifs d’un comportement déloyal à l’égard de son employeur s’étaient déroulées en FRANCE, l’actrice aurait-elle connu pareil châtiment ? Certainement pas au vu de la jurisprudence en la matière qui mérite d’être à cette occasion, rappelée.
Les dispositions de l’article L.1222-1 du Code du travail nous enseignent que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. A ce titre, il est proscrit au salarié de mentir ou faire preuve de déloyauté à l’égard de son employeur.
Un salarié qui ment à son employeur, sur son état de santé pour ne pas venir travailler s’expose à une mesure de licenciement pour faute grave voire pour faute lourde (si l’intention de nuire à l’employeur est retenue) et dans ce dernier cas à devoir indemniser son employeur pour le préjudice subi.
Dès lors que la preuve de l’existence d’un manquement à l’obligation de loyauté commis par le salarié est rapportée et que l’acte commis par le salarié a causé un préjudice à son employeur ou à l’entreprise, son licenciement pour faute grave est en principe, fondé (Cass. soc. 12 octobre 2011 n°10-16649).
Rappelons que la faute grave se définit comme celle qui « peut seule justifier une mise à pied conservatoire, et celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise » (Cass. soc. le 27 septembre 2007, n°06-43867). Précisément, la faute grave peut se caractériser par « un fait ou un ensemble de faits qui sont imputables au salarié personnellement et qui constituent la violation d’une obligation contractuelle ou d’un manquement à la discipline de l’entreprise rendant ainsi impossible le maintien du salarié dans l’entreprise durant le préavis. » (Cass. soc. le 5 décembre 2007, n°06-41313) et qu’elle prive le salarié licencié de toute indemnité́ à l’exception de l’indemnité́ compensatrice de congés payés.
Constitue ainsi, pour les juridictions de droit social, une faute grave le fait par un salarié de travailler pour son propre compte au cours d'un arrêt de travail pour maladie (Cass. soc. 21 juillet 1994 n°93-40554) ou le fait de travailler pendant son arrêt au bénéfice d’une autre entreprise (CA MONTPELLIER, 12 janv. 2000) (CA BORDEAUX, 9 oct. 1999) (CA BESANÇON, 20 janv. 1998) (CA NIMES, 1er oct. 1997) ou encore le fait pour un salarié embauché comme coffreur, pendant son arrêt maladie ; de travailler habituellement sur le chantier d'une maison en construction avec trois autres ouvriers et de se livrer à cette occasion à une activité profitable pour son propre compte (Cass. soc., 21 juillet 1994).
Il est vrai qu’Ornella MUTTI n’a pas durant son arrêt de travail, travaillé pour son propre compte ou pour celui d’un tiers. Peu importe nous dit la jurisprudence. Même en l’absence d’exercice d’une activité professionnelle lucrative, le comportement déloyal du salarié peut constituer une faute justifiant son licenciement.
Ainsi, un salarié qui se livre, pendant l’arrêt de maladie à des déplacements ou des activités [sport d'hiver] qui démontrent sans ambiguïté qu'il n'était nullement dans l'incapacité de travailler, commet une violation de son obligation de loyauté constitutive d'une faute grave (CA LIMOGES 16 septembre 2003).
Certaines circonstances peuvent néanmoins, absoudre la déloyauté du salarié et priver le licenciement pour faute grave prononcé par l’employeur, de cause réelle et sérieuse.
L’exercice d'une activité pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie ne caractérise pas systématiquement un manquement à l'obligation de loyauté du salarié.
La chambre sociale de la Cour de cassation nous apprend en ce sens que la faute grave ne peut être retenue à l’égard d’un salarié en arrêt de maladie qui a exercé une autre activité à la suite d'une réquisition par l'autorité préfectorale pour une mission de service public (Cass. soc. 12 mars 1992) ou qui a effectué un voyage d'agrément dans un pays lointain, pendant une période d’arrêt de travail médicalement justifié (Cass. soc., 16 juin 1998).
La Russie n’est-elle pas un pays lointain ? Si au cours de ce diner, l’actrice italienne n’avait pas dit un mot en raison de son état de santé (laryngo-trachéite) et avait simplement dégusté les bons mets servis au cours de ce repas de gala et posé pour des photos, alors que les tribunaux en France, lui auraient certainement pardonné son mensonge.
Au passage, l’on comprend mieux désormais le sens de la consigne : « Sois belle et tais-toi » qui aurait peut-être permis à la belle actrice, d’éviter les désagréments judiciaires énoncés ci-dessus.
La faute grave est également écartée en présence d’un salarié malade qui se présente à des examens universitaires (Cass. soc., 2 juillet 1996) ou qui remplace temporairement et à titre bénévole le gérant d'une station-service dans une activité n'impliquant aucun acte de déloyauté (Cass. soc. 4 juin 2002 n°00-40894) ou encore qui participe à une randonnée pédestre un dimanche, deux jours avant la fin de son arrêt de travail pour maladie, alors que les lésions dont il souffrait ne lui interdisaient pas cette activité (Cass. soc. 26 janvier 1994 n° 92-40090) ou qui est présent dans un orchestre le jour de la fête de la Musique, alors que son arrêt de travail pour maladie était justifié par un état dépressif (CA VERSAILLES 4 décembre 1998 n° 95-23793).
Oui, ma chère Ornella, l’Hexagone qui chérissait jadis, tant tes apparitions aurait été plus clément à ton égard. La peine maximale aurait été la perte de ton emploi et le remboursement de ton cachet…..mais en aucun cas, un séjour dans une cellule lugubre.
Par Laurent DUCHARLET, Avocat à la Cour